Polytraumatisme (conduite à tenir sur les lieux de l’accident)

● Par définition, un polytraumatisé présente au moins deux lésions traumatiques au niveau de deux organes différents susceptibles de mettre en jeu le pronostic vital.
● Les polytraumatisés représentent 3,5 % des blessés, toutes causes confondus.
● Les accidents de la voie publique sont responsables dans 80 % des cas, essentiellement le soir ou la nuit. Les 20 % restants se répartissent entre accident de travail, défenestrations, accident de sport, catastrophes…
● L’âge moyen est de 34 ans. Les piétons et les deux-roues sont majoritairement concernés
avant 20 ans, les automobilistes après 20 ans.
● Les traumatismes sont la première cause de décès chez l’adulte de moins de 50 ans et chez
l’enfant de plus de un an. Le pourcentage de décès précoce est d’environ 20 % ; il diminue avec la prise en charge spécialisée par des équipes et des structures entraînées (centre de traumatologie de niveau I) encore peu répandues en France, contrairement à certains pays comme l’Allemagne.

Conduite à tenir sur les lieux de l’accident

A/ « P-A-S : Protéger, Alerter, Secourir »

  ● Cette situation se rencontre en l’absence d’équipe spécialisée de type SAMU ou pompiers.

1. Protéger
  ● Baliser les lieux de l’accident dans les deux sens de circulation.
  ● Aménager un couloir de dégagement pour les véhicules de secours.

2. Alerter
  ● Les structures adaptées : SAMU, pompiers en appelant le « 15 ».
  ● Préciser au médecin régulateur :
    – Lieu de l’accident.
    – Type de l’accident (piéton contre véhicule, motard, camion…).
    – Heure approximative de l’accident.
    – Nombre et état de gravité apparente des blessés.
    – Conditions locales particulières nécessitant la mise en oeuvre de matériel ou d’équipes spécialisées (incendie, incarcération, chute dans un ravin ou dans un plan d’eau).

3. Secourir
  ● Avec les moyens disponibles.
  ● En cas de mort apparente :
    – Ventilation par bouche à bouche.
    – Massage cardiaque externe.
  ● Compression manuelle des hémorragies extériorisées.
  ● Immobilisation de l’axe cranio-rachidien.
  ● Position latérale de sécurité.
  ● Couverture.

B/ Prise ne charge spécialisée

  ● Les buts premiers sont :
    – La fonction ventilatoire.
    – La fonction circulatoire.
    – L’évaluation de l’état neurologique.
  ● L’ensemble des gestes doivent être effectués simultanément par plusieurs personnes.
  ● L’axe cranio-rachidien doit être maintenu en permanence en rectitude par un collier cervical rigide dans un premier temps (désincarcération, premiers gestes) et un matelas coquille une fois les premiers gestes effectués.

1. Fonction ventilatoire
  ● Désobstruction pharyngo-laryngée et mise en place d’une canule pharyngée.
  ● Ventilation au masque en O2 pur à 8 l/min.
  ● Intubation et ventilation assistée avec pression positive de fin d’expiration (PEEP) et volume courant de 8 à 10 ml/kg en cas de :
    – Mort apparente ou arrêt respiratoire.
    – Dyspnée sévère et volet thoracique.
    – SaO2 < 90 % après oxygénation nasale.
    – Injury severity score > 24 (cf. infra).
    – Lésions combinées du tronc et des os longs.
    – Trauma cranio-encéphalique sévère.
    – État de choc sévère.
    – Nécessité d’une sédation antalgique importante.
  ● Drainage d’un pneumothorax compressif suffocant, d’un hémothorax massif, d’un pneumothorax ouvert.

2. Fonction circulatoire
  – Massage cardiaque externe en cas de mort apparente.
  – Mise en place de deux gros cathéters de perfusion (14 ou 16G) dans deux veines périphériques de gros calibre, voire d’une voie centrale jugulaire.
  – Sonde urinaire en l’absence de lésion évidente de l’arc antérieur du bassin ou d’hématurie
macroscopique.
  – Perfusion immédiate de 3 litres de solution de Ringer lactate : la stabilisation de l’état
hémodynamique se traduit par l’existence d’une diurèse (1 ml/kg/h) et par la stabilisation
de la pression artérielle.
  – Pansement compressif d’une hémorragie extériorisée.

3. Évaluation de l’état neurologique
  a) Score de Glasgow
    Tout score de Glasgow inférieur à 10 évoque un processus expansif intracrânien.
  b) Recherche d’un déficit moteur
  c) État pupillaire
  d) Réflexes ostéotendineux simples : bicipital, tricipital, rotulien, achilléen
  e) Lésions évidentes cranio-faciales
   – Embarrure.
   – Fracas du massif facial.

4. Reste de l’examen
  ● Il sera rapide et ne doit pas retarder les premiers gestes.
    a) Lésions faciales
     – Plaies oculaires pénétrantes.
     – Fracas facial.
     – Écoulement de LCR.
    b) Lésions rachidiennes
     – Tout polytraumatisé dans le coma est suspect d’être porteur de lésions rachidiennes jusqu’à preuve radiologique du contraire.
    c) Lésions thoraciques
     – On recherchera, par la percussion et l’auscultation, matité ou tympanisme pouvant faire
évoquer hémo- et/ou pneumothorax :
                * Volet costal mobile.
                * Lésion pénétrante.
    d) Lésion abdominale
     – L’examen clinique est peu fiable.
     – L’absence de stabilité hémodynamique malgré le remplissage précoce doit faire évoquer une lésion hémorragique massive, intra-abdominale dans un premier temps, puis thoracique ou pelvienne.
    e) Lésion pelvienne
     – Suspectée de principe devant tout polytraumatisme.
     – Cause possible d’hémorragie massive.
    f) Lésion des membres
     – Fracture et déformations évidentes, avec déplacement majeur ou ischémie distale, nécessitant une réduction et une immobilisation rapide.
     – Ouverture cutanée.



   g) Brûlures

5. À l’issue de ce rapide bilan clinique qui sera consigné par écrit
  a) L’instabilité respiratoire et hémodynamique du patient doit faire envisager des gestes complémentaires
    – Soit drainage thoracique, réalisable sur place s’il n’a pas été déjà effectué.
    – Soit chirurgie rapide de ressuscitation en cas d’hémorragie massive non contrôlable ou chirurgie de décompression neurologique : le transport vers une structure capable d’effectuer ces deux types de chirurgie doit être envisagé par des moyens rapides en maintenant une oxygénation optimale, après avoir averti la structure d’accueil du caractère extrêmement urgent d’une intervention dès l’arrivée du patient.
   b) L’état hémodynamique et respiratoire est stable
    – L’immobilisation et le réchauffement du patient sont réalisés.
    – Les plaies sont enveloppées dans des pansements antiseptiques.
    – L’analgésie est réalisée, par blocs locaux dans certains cas (bloc crural en cas de fracture du fémur, par exemple).
    – Une sonde gastrique peut être posée en cas de traumatisme abdominal chez un patient intubé.
    – Pose d’un cathéter central d’évaluation de la pression veineuse centrale, voire de la pression artérielle pulmonaire et de la pression capillaire pulmonaire chez le patient âgé ou en cas de traumatisme thoracique
    – Corticothérapie intraveineuse à forte dose en cas de lésion neurologique médullaire.
    – Certains scores peuvent être évalués :
    * Score de Glasgow.
    * Revised trauma score : Glasgow + pression artérielle systolique + fréquence respiratoire.
    * ISS : Injury severity score : évalue les lésions de 1 à 6 pour six localisations : tête et cou,
face, thorax, abdomen, membres, peau, selon un tableau comprenant de très nombreuses lésions.
    – Ces scores ont pour intérêt soit d’établir un pronostic, soit de communiquer entre équipes, soit de réaliser des études statistiques sur des groupes comparables a posteriori.
    – Le transport est réalisé vers un centre spécialisé averti des lésions potentiellement présentes par des moyens permettant d’arriver au centre moins d’une heure après le début de la prise en charge.

Fin, Dr Jean GRIMBERG (chirurgien orthopédique et traumatologique)