L'investigation de la dynamique des groupes restreints a apporté de nouvelles connaissances en pédagogie du travail d'équipe. La prise en charge d'une détresse vitale implique une succession d'équipes responsables chacune d'une tâche spécifique : centrale 144, ambulances, service des urgences, bloc opératoire et soins intensifs. Pour que chacune de ces tâches puisse être menée à bien, une complémentarité des qualifications et des synergies est nécessaire. Cette coordination peut être entraînée par la simulation de situations réelles, en suivant des protocoles privilégiant le travail d'équipe. La médecine d'urgence, sur le point de développer son propre curriculum, doit intégrer cette approche qui garantit le savoir-être et le savoir-faire. Le médecin urgentiste disposera alors des compétences indispensables pour être le team leader.
L'investigation en psychologie de la dynamique des groupes restreints a connu un essor important depuis les années 1930.1 Ce développement a été favorisé par une évolution de la société, valorisant toujours plus l'exigence de qualité et d'efficacité, en particulier dans le domaine industriel et technologique.
En médecine, la nécessité de redéfinir le champ des connaissances de l'enseignement prégradué a engendré une réflexion sur les moyens pédagogiques permettant d'améliorer non seulement le savoir, mais également le savoir-faire, le savoir-être et le savoir comment faire. C'est ainsi que plusieurs facultés de médecine, dont celle de Genève, ont instauré un enseignement basé sur la dynamique des groupes restreints comme fondement pédagogique du nouveau curriculum prégradué (apprentissage par problèmes en petits groupes d'étudiants sous la conduite d'un tuteur).
Ensuite, dès leur première année de formation postgraduée, les médecins internes assument des gardes, que ce soit dans les unités de soins ou dans les services d'urgence, et doivent s'intégrer dans des équipes soignantes. Aux urgences, ils seront plus qu'ailleurs confrontés à des situations impliquant un pronostic vital et nécessitant une collaboration multidisciplinaire efficace, correspondant à nouveau à l'activité d'un groupe restreint centré sur une tâche. Les fréquentes rotations du personnel soignant, tant infirmier que médical, impliquent à cet égard des difficultés supplémentaires évidentes.2
En dépit de l'apprentissage par problèmes pratiqué au stade prégradué, les médecins restent en général peu préparés à un travail en équipe, en particulier en situation de stress. Face à ce constat, on note un intérêt croissant pour le développement de formations inspirées de l'aéronautique, domaine qui a modélisé de façon approfondie les comportements des équipages d'avions en situation de crise.3
Cet article va tenter de faire le point sur les principes essentiels d'un bon travail en équipe dans le cas de la médecine d'urgence, condition indispensable pour assurer une prise en charge optimale des patients et plus important encore prévenir les erreurs médicales, qui sont trop souvent dues à une mauvaise gestion du stress et/ou à des défaillances dans la dynamique des groupes d'intervenants.
Ce bref survol d'une abondante littérature dédiée à la pratique de la médecine d'urgence, à la formation qui la sous-tend et aux défis qu'elle doit affronter, met l'accent sur le fait que cette discipline, à l'instar de l'aéronautique, doit se doter d'une véritable culture de la sécurité. Les différentes composantes de cette culture ont été rappelées, de même que les moyens pédagogiques pour les acquérir et les entraîner. L'effort considérable qu'implique une telle entreprise est l'unique moyen de faire mentir une parole vieille de deux millénaires, mais qui n'a cessé de se vérifier : errare humanum est. Ces modifications ne peuvent cependant se concevoir sans une évolution des mentalités, acceptant l'individu comme un être faillible, œuvrant de manière coordonnée au sein d'un environnement multidisciplinaire.