Les complications hémorragiques sous anticoagulants au service des urgences

   L’anticoagulation orale, qui était effectuée depuis plus de 40 ans et jusqu’en 2008 uniquement par les anti-vitamines K (AVK), est une thérapeutique indispensable de certaines pathologies telles que la fibrillation auriculaire (FA), la maladie thromboembolique veineuse et les prothèses valvulaires cardiaques afin de prévenir un accident thromboembolique. La FA est le trouble du rythme le plus fréquent. 
D’après un article de l’HAS paru en 2014, près de 70 % des patients en FA ont plus de 75 ans et sa prévalence est supérieure à 10 % chez les personnes âgées de plus de 80 ans. Au cours des années 2011 et 2012, les anticoagulants oraux directs (AOD) ont obtenu l’indication dans la prévention des accidents thromboemboliques, notamment des accidents vasculaires cérébraux chez les patients adultes avec FA non valvulaire. 


Les AOD sont devenus une alternative au traitement par AVK dans certaines indications. D’après l’étude ENEIS, les AVK sont en France au premier rang des médicaments responsables d’accidents iatrogènes graves (37 % en 2004 et 31 % en 2009 des événements indésirables graves rapportés liés au médicament). Ce sont les sujets âgés de 65 ans et plus qui sont les plus concernés. Courant janvier 2015, après réévaluation des AOD, la Haute Autorité de santé (HAS) avait positionné ces médicaments en 2e intention après les AVK pour 2 raisons principales : d’une part, l’absence de possibilité de mesurer en pratique courante le niveau d’anticoagulation et, d’autre part, l’absence d’antidote disponible. Mais ce dernier argument doit être rediscuté puisque depuis fin février 2016, l’antidote spécifique du Pradaxa® (Idarucizumab—Praxbind® ) est commercialisé dans les hôpitaux.

 Pour les anti-Xa, l’antidote spécifique (Andexanet alfa) est toujours en cours d’étude avec de bons résultats intermédiaires. L’objectif principal de cette étude était de comparer les accidents hémorragiques sous AOD et sous AVK dans un service d’accueil d’urgence (SAU). Le critère de jugement principal était de comparer le devenir entre les patients avec hémorragie grave et non grave. L’hémorragie grave était définie à partir des critères retenus par la HAS (abondance du saignement apprécié notamment sur le retentissement hémodynamique, localisation pouvant engager un pronostic vital ou fonctionnel, absence de contrôle par des moyens usuels et/ou nécessité d’une transfusion ou d’un geste hémostatique en milieu hospitalier). Les objectifs secondaires de cette étude étaient d’analyser les modalités de contrôle des saignements, d’observer le nombre de journées d’hospitalisation, d’évaluer le taux de mortalité hospitalière et d’étudier le coût transfusionnel.

L'étude était rétrospective, monocentrique et observationnelle, menée au sein du service des urgences de l’hôpital Bel Air du CHR Metz-Thionville du 1er septembre 2013 au 31 août 2014. Les critères d’inclusion étaient les suivants : sujet adulte de plus de 18 ans, atteint de FA non valvulaire, sous traitement anticoagulant oral et présentant un évènement hémorragique en cours. 

Cent onze patients ont été inclus dont 40 sous AOD et 71 sous AVK. Il y avait plus d’hémorragies digestives dans le groupe AOD que dans le groupe AVK mais la différence n’était pas significative (35 % vs 20 %, p = 0,08) et autant d’hémorragies intracrâniennes dans les deux groupes (17 % vs 18 %, p = 1). La fréquence de survenue d’une hémorragie grave était similaire dans chaque groupe. Le taux de mortalité était de 8 % dans le groupe AOD contre 14 % dans le groupe AVK (p = 0,35).  

Les patients sous AOD ne présentent pas plus d’hémorragies graves que ceux sous AVK mais semblent présenter plus d’hémorragies digestives. Il n’y avait pas de différence significative en termes de mortalité entre les 2 groupes. Cette étude n’objective pas de différence entre les deux molécules en termes de morbi-mortalité.

A. Clémençot
(Service d'accueil des urgences, hôpital Bel Air, CHR Metz-Thionville)